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Un dindon chez les pigeons

Un peu d’histoire de la langue... des dindons, des pintades, et des pigeons…

DINDON d'abord écrit d’Indon désignait le petit de l'animal (1605), alors que le dindon adulte était nommé d'Indart. Par la suite, dindon est réservé à l'oiseau adulte (1668), tandis que le dérivé DINDONNEAU (1651) s'applique au petit. (La poule d’Inde, au Moyen Âge, c’était la pintade, qui vivait à l’état sauvage en Abyssinie, en sorte que l’Inde, c’était alors l’Abyssinie… l’Ethiopie, donc). Parallèlement à dinde, dindon se dit au figuré d'un homme vaniteux et niais (1793), notamment dans la locution proverbiale être le dindon de la farce qui se rapporte au sémantisme de la duperie (cf. dupe, pigeon...) ; ce sens a été popularisé par la pièce à Feydeau intitulée Le Dindon (1896). DUPE viendrait de HUPPE, en sorte que « dupé » signifierait « plumé ». On ne quitte pas la volière… Et PIGEON, familièrement une DUPE, est plus poétiquement un symbole de l’AMOUR, surtout quand on le considère en couple…

Ainsi se résume le terrain de jeu que se donne Feydeau avec Le Dindon (1896).

Et l’origine de l’expression populaire ?...

dindon de la frace

L’expression dindon de la farce s’expliquerait possiblement de deux façons qui sont plaisantes, mais pas entièrement convaincantes.

La première se situe au Moyen Âge où les « farces » étaient des intermèdes comiques dans des spectacles. Parmi les personnages récurrents de ces pièces, on trouvait des pères crédules, bafoués par des fils peu respectueux. Ces pères auraient été surnommés les pères dindons. Un tel personnage, souvent dupé par sa progéniture, était donc « le dindon de la farce ». Hélas, à moins qu’autre chose ait porté le nom de dindon autrefois ou que ce mot ait été déformé, un petit problème de date se pose, car les dindons que nous connaissons ont été ramenés du Mexique à partir du XVIe siècle.

Une autre explication viendrait d’un spectacle forain Le Ballet des dindons qui a existé à Paris entre 1739 et 1844. Dans ce spectacle, des dindons étaient posés sur une plaque métallique progressivement chauffée par-dessous au point que les pauvres volatiles finissaient par « danser » pour tenter d’éviter de se brûler les pattes. Cette « farce » aurait beaucoup fait rire les spectateurs de l’époque.

On peut de tourner vers une explication plus simple. Le terme dinde, depuis longtemps et au figuré, désigne une jeune fille niaise par comparaison avec le caractère considéré comme stupide de l’animal. Or, une personne niaise se faisant aisément duper, il est logique qu’au passage au masculin, un homme niais, donc susceptible de se faire duper, soit affublé du terme dindon. Maintenant, nous sommes sûrs que le dindon est bien une dupe, sans avoir besoin d’aller chercher des spectacles pré-dindons ou sans lien apparent avec la duperie.

Quant à farce, il suffit de confirmer qu’à cette époque, on farcissait bien les dindons pour imaginer la plaisanterie. Et même, sans obligatoirement aller chercher cette farce garniture, on peut très simplement penser à la farce plaisanterie (qui vient de farser pour « se moquer de » au XIIIe siècle) dont la cible est la dupe, le dindon de la farce.

Cette idée est d'autant moins saugrenue que c'est le dindon pour « c'est la dupe », donc sans la farce, est évoqué par le Dictionnaire de l'Académie Française de 1832.

Et on ne peut refermer la porte sur cette expression sans citer la pièce de Feydeau, publiée en 1896, intitulée Le dindon, vaudeville qui aurait popularisé le dindon dupé.

Françoise Dubor

haut de page  D'Un Théâtre L'Autre, 20 juillet 2015